Hypochromie
Anacamptis pyramidalis (L.) Rich. Montfaucon (55) le 16 juin 2016 |
Hypochromie : On peut se référer à la couleur pour la détermination des fleurs, mais il convient de rester prudent. Comme dans tout le reste du vivant, il existe des aberrations.
Ainsi lorsque la quantité de pigments est faible, on parle hypochromie (à contrario c’est l’hyperchromie). Dans certains cas, il y a absence (totale ou partielle) de chlorophylle ou de caroténoïde ou encore d’anthocyane ce qui amène des couleurs de fleurs anormalement pales, jaunâtres ou verdâtres selon les pigments présents.
Autres exemples
Campanula rapunculus L. - Montblainville (55) le 1 juillet 2016 |
Aquilegia vulgaris L.- Samogneux (55) le 26 mai 2011 |
Voici un extrait d’un mémoire présenté par M. Ph. Pierrot, rédacteur du journal de l’arrondissement de Montmédy, membre correspondant de la société, dans la réunion du 5 février 1873.
(On parle encore à cette époque d’albinisme et les noms scientifiques n’ont pas été mis à jour suivant la nouvelle nomenclature)
Les singularités des plantes - de l'albinisme.
Tout le monde connait la singularité, désignée physiologiquement sous le nom d'albinisme, qu'offrent certains animaux, et qui consiste, entre autres caractères distinctifs, en ce que les cheveux sont blancs, les yeux rouges et les paupières clignotantes. Ce tempérament, résultat d'une affection organique spécial, que je n'entreprendrai point d'approfondir, est assez rare chez l’homme, mais se rencontre sous toutes les latitudes. On le voit plus fréquent chez certains genres d’animaux, et pour m'en tenir à des exemples à la portée de tous, le lapin domestique nous en offre de très nombreux cas.
Comme les animaux, les végétaux sont sujets à l'albinisme. Sans prétendre étudier les causes premières de ce phénomène, je viens consigner ici les résultats des recherches auxquelles je me suis livré à ce sujet dans les herborisations que j'ai faites autour de Montmédy. II n'y aura rien de bien neuf dans ces aperçus que je présente tout simplement comma fruit d'observations prises sur le fait.
Tout d’abord, je déclarerai que presqu'aucun des cas d'albinisme qui se sont présenté mon examen n'était général. J'ai trouvé des plantes atteintes de cette affection quant à leur feuillage seulement; d'autres, uniquement quant à leur floraison. Ce n'est que très exceptionnellement que me sont tombés, sous la main, des individus à peu près entièrement blanchâtres.
De l'albinisme des feuilles , que la culture a réussi à fixer par la greffe, par le marcottage, par la bouture, et dont, tant chez les arbustes et arbrisseaux que chez les plantes herbacées , elle est parvenue à fixer, par les contrastes, de magnifiques effets dans l'ornementation des jardins paysagers , je dirai peu de choses, si ce n'est que je l'ai rencontré sous deux principaux aspects :
L’état d'albinisme véritable des feuilles et à l'état mixte de simple panachure. En outre, je ne l'ai jamais vu personnellement à l'état spontané que sur des végétaux de basse tige, et fort rarement. En conséquence, c'est aux espèces herbacées presque exclusivement que se sont bornées mes observations, et encore ne se sont-elles guère portées que sur l'albinisme des fleurs, qui est de beaucoup le plus fréquent.
[…]
Un fait à remarquer, et que des naturalistes plus compétents que moi ont sans doute indiqué : l'albinisme des fleurs ne se produit que très rarement sur les végétaux à floraison verte ou jaune. A ma connaissance, parmi les plantes indigènes, le Genista scoparia (Genêt à balais) et le Melilotus officinalis (Mélilot officinal), tous deux de l'ordre des Légumineuses ou Papilionades, en ont seuls offert de rares échantillons. Encore n'en ai-je constate personnellement qu'un seul cas, sur un pied de mélilot.
Le Verbascum thapsus (molène bouillon blanc), fleurit quelquefois blanc, assure-t-on. La rareté du cas ne fait que confirmer la règle. Quant au Verbascum lychnis (Molène lychnis), dont il existe une variété blanchâtre assez commune, il faut reconnaitre qu'elle tient toujours quelque peu du jaunâtre et rappelle ainsi son origine.
Les fleurs rouge-écarlate présentent quelquefois des exemples d'albinisme. Tels sont le Lychnis chalcedonica (Croix de Jérusalem), le Papaver rhoceas (Pavot coquelicot). Mais c'est surtout chez les fleurs appartenant à la gamme des tons bleus et carmines , depuis le bleu de ciel des Myosotis jusqu'au bleu-indigo des Campanules , depuis la teinte carnée des Colchiques jusqu'à la nuance violet-fonce des Violettes, en passant par tous les tons intermédiaires , lilas, rose, cramoisi, pourpre, sanguin , etc., que se produit le plus fréquemment la singularité qui fait l'objet de cette causerie. On peut dire que toutes les espèces, se rattachant à ces couleurs par leurs pétales ou leurs sépales, sont enclines à l'albinisme.
Pour établir, par des faits frappants et tangibles, l’espèce d'antipathie qu'éprouvent les fleurs a corolle jaune à passer au blanc, et l'aptitude qu'ont, au contraire, à le faire celles a corolle bleue ou pourprée, il me suffira de relever quelques exemples. Dans la subdivision des CHICORACEES, appartenant à la grande famille des composées on synanthérées, nous voyons la presque généralité des plantes fleurir en jaune. Sur aucune de celles-ci, que je sache, il n'a été trouvé d'exemple d'albinisme. Quelques genres seuls font exception a. la coloration qui semble être le lot général de ce sous-ordre, entre autres, le genre Chichorium (Chicorées). Or, rien n'est plus commun que de voir, le long de nos routes, des Chicorées à fleurs blanches.
Pour choisir d'autres cas pris non seulement dans une seule tribu , mais encore, dans un seul et même genre, je rappellerai que le genre Lactuca (Laitue) compte, dans nos parages, cinq ou six espèces différentes, savoir : Lactuca sativa (Laitue cultivée) , connue de tous par ses usages économiques; L. scariota (L. scarole), qui apparait parfois sur les glacis de Montmédy; L. muralis (L. des mars) fréquente dans nos bois ombragés; L. saticifolia (L. à feuilles de saule), que l'on découvre sur les pelouses; L. virosa (L. vireuse), espèce dangereuse que je n'ai pas encore rencontrée. Toutes ces variétés sont à fleurs jaunes. A côté d'elles, il en existe une autre à fleurs bleues, L. perennis (L. vivace), qui est commune sur nos coteaux coralliens d'entre Meuse et Chiers, de Han-les-Juvigny à Brandeville et Flabas, jusque dans la Woëvre. Or, il arrive souvent que ses rayons passent du bleu au blanc, contrairement à l'immutabilité de ses congénères.
Ne sont-ce point la des preuves irréfutables de la ligne de démarcation établie, par la nature, entre les tendances de certaines plantes et les résistances de certaines autres à se soumettre à la singulière affection qui fait l'objet de cette étude?
Je me suis demande bien des fois, sans avoir pu résoudre ce problème, si la question de famine entrait pour quelque chose dans cette propension à l'albinisme. Bien que l'ayant trouvé plus fréquent chez les labiées, chez les synanthérées, cynarocémales, chez les borraginées, chez les campanulacées, j'incline à croire que ce sont là des faits qu'il faut attribuer à la multiplicité des représentants de ces familles dans nos contrées, et au grand nombre d'entre eux dont la floraison appartient à la série des couleurs violacées ou bleuâtres.
Les circonstances de voisinage semblent parfois influer sur les cas d'albinisme. Soit que cet état, maladif ou non, résulte de certaines conditions d'aération; de principes transportés par les airs, ou d'actions épidémiques quelconques , dont les causes échappent à nos recherches, toujours est-il, qu'en 1857, je ne fus pas peu surpris de voir, en plusieurs excursions successives faites sur un même point, que dans un rayon d'un ou deux kilomètres , un grand nombre de plantes étaient atteintes d'albinisme. Jamais il ne s'en était tant offert à mes observations, et, ce qui me frappait davantage, ces cas appartenaient à des genres différents. Je les constatais, entre autres, sur des pieds de Campanula persicifolia (Campanule a feuilles de pécher), de Betonica officinalis (Bétoine officinale), de Cichorium intybus. (Chicorée saurage), et je fus frappe des tors de cette particularité, que j'y rencontrais deux ou trois fois la même année. Le terrain où je fis ces observations est très accidenté, et se compose, dans une étendue fort restreinte, de fraichis, de bois, de champs et de mamelons secs et incultes. Ce n'est donc pas au sol, qui est très varié en cet endroit, que peut être imputés cette fréquence des cas d'albinisme.
Cette diversité d'aspects fait de ce coin de terre, situe entre Montmédy, Han-les-Juvigny et Juvigny-sur-Loison, lieudit Bibao, un des cantons les plus favorisés en espèces rares de tous nos environs. Aussi, bien des fois, depuis lors, mes pas se sont-ils reportés vers ce vallon écarté , délicieux réduit pour les amants de la nature, à cause de ses pentes abruptes et rocheuses, des senteurs balsamiques des buis qui y abondent , de ses ombrages , de sa fraicheur et de sa solitude, que troublent seuls le gazouillement des oiseaux et le murmure d'un ruisseau limpide aux eaux pétrifiantes : ce qui est un attrait de plus pour le naturaliste. Jamais, depuis, je n'y ai retrouvé de cas d'albinisme.
Il s'agissait donc, en 1857, d'une prédisposition locale, fortuite et éphémère.
Et, cependant, l'albinisme des fleurs se perpétue fort bien par la culture. Pour ne parler que d'espèces vulgaires et répandues, d'origine indigène, nos jardins nous en offrent de nombreux spécimens dans l' Hesperis matronalis flore pleno (Julienne ou Damas blanc , double), dans le Lychnis chalcedonica (Croix de Jérusalem, simple et double) ,dans le L. coronaria (Coquelourde), dans le Dianthus coesius (œillet bleuâtre ou Mignardise), dans les diverses variétés de Campanules ou Gobelets , simples et doubles (Campanula persicifolia, C. grandi flora , C. trachelium , etc.), dans le Delphinium ajax (Pied d'alouette , double ou simple), dans le Dictamus fraxinella (Fraxinelle), etc., etc.
Il est probable que ce sont des cas accidentels, comme en rencontra chaque jour le botaniste, qui aura été le point de départ des efforts tentés par les horticulteurs pour parvenir à fixer cette coloration spéciale.
[…]
Voici, d'après mes propres observations, les espèces indigènes sur lesquelles on remarque le plus souvent l'albinisme des fleurs :
Betonica, officinalis (Bétoine officinale); Origanum vulgare (Origan commun ou Fausse marjolaine) ; Cichorium intybus (Chicorée sauvage); Campanula persicifolia (Campanule à feuilles de pêcher); C. rotundifolia (C. à feuilles rondes); Myosotis palustris (Myosotis des marais ou Vergissmeinnicht); Prismatocarpus speculum (Miroir de Venus) ; Linum usitatissimum (Lin cultivé); Vinca, minor (Petite Pervenche); Aquilegia vulgaris (Ancolie commune).
[…]
Source : Mémoires de la Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc. 1873.
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